martes, 13 de septiembre de 2011

JACQUES DURAND Y MORANTE ME LLEVAN AL DIARIO LIBERATION DE PARÍS

La semana pasada tuve la suerte de que el periodista francés Jacques Durand recogiera una frase que escribí en Diario La Rioja y que se hiciera eco de ella en el periódico Liberation, de París, en su maravillosa página de toros de los jueves. Para mí es un honor increíble y me apetece mucho compartirlo con todos los lectores de Toroprensa.

«Morante, parfois je pense qu’on devrait t’amener au Tribunal constitutionnel pour voir qui aurait les couilles de t’interdire.» Le journaliste Pablo G. Mancha dans le quotidien La Rioja.

«Morante, a veces pienso que te deberían llevar al Tribunal Constitucional a ver quién tiene cojones de prohibirte». El periodista Pablo G. Mancha en el Diario La Rioja


Morante te salutant, por Jacques Durand

Bilbao mardi 23 août. Morante retourne à la barrière. Il vient de tuer Cacareo, toro équivoque mais avec de la caste de Nuñez del Cuvillo, d’un grand bon coup d’épée. Ses péons l’embrassent. Manzanares le félicite. El Juli en civil dans la contre-piste applaudit à tout rompre, ce que ne font jamais les toreros soumis à un devoir de réserve qui recouvre bien la jalousie de voir triompher un autre qu’eux. Matias González, rigoureux président de ces arènes où il est plus coton de couper une deuxième oreille qu’à Madrid et Séville n’hésite pas : il sort en même temps les deux mouchoirs, ce qui lui est arrivé seulement une autre fois en dix-sept ans et pour El Cid. 2 oreilles. Vingt minutes avant, personne n’aurait parié un kopeck sur la tenue d’une faena que les plus optimistes voyaient pliée en trois minutes montre en main. Doigt dans l’œil. Sur le coup de 19 heures Cacareo, un beau rouquin de 542 kilos aux cornes très pointues, sort sous des protestations : il boitille. Puis il court partout sans se fixer nulle part, ne s’intéresse à rien, reçoit des péons de Morante mille coups de cape qui ne disent rien de bon. C’est mal barré. Avec les picadors, plutôt que d’attaquer tête basse en creusant les reins il se défend à coups de tête. Un manso ? Le président veut ordonner la fin de la séquence après deux piques. Surprise. Morante arrête son picador, Aurelio Cruz ; lui fait donner une troisième pique sous les sifflets. Ah ben ça alors ! Il veut l’escagasser tout à fait pour le liquider en deux temps trois mouvements. Voilà ce qu’on pense. On le pense d’autant plus que Morante, toujours sous les cris de ceux qui auraient voulu voir changer Cacareo, commence son machin avec deux doblones bizarroïdes, donnés la muleta à ras de terre et tenue à deux mains et sur un très long tracé. Voilà, on vous l’avait dit : il lui fait bien baisser la tête pour dans trois secondes, lui foutre un coup d’épée et adiós. Le doigt dans l’œil. Morante le commentera plus tard. Lui, et sans doute lui seul, a vu dans Cacareo «une force intérieure et de la noblesse». Son début de faena ? «Fondamental.» Fondamental pour faire perdre à Cacareo son goût pour la divagation ; fondamental pour le fixer, le canaliser, lui apprendre l’assiduité, le poser, mettre sa race au jour, gommer son étourderie. Un toro bravo, plus on tente de le soumettre plus il se bat. Un manso, lui, prend la poudre d’escampette. Cacareo prend conscience qu’il est bravo et se bat. Morante saisit sa muleta de la main droite, se plante les pieds bien à plat sur le sable et lui roule des derechazos de derrière les fagots avec sa tauromachie si naturelle, si congénitale qu’on se dit qu’il devait déjà chantourner la chicuelina et cintrer la media veronica avec ses langes. A gauche, nada. Scène de ménage. Cacareo saute dans la passe, balance des coups de boule. Morante reprend le concerto de la main droite. On connaît le zèbre. Il a sa réputation : ce serait un tire-au-flanc. Il serait fortiche pour rentrer vite au port quand il voit l’horizon bouché. Des sornettes. Morante n’est simplement pas un torero de l’incontinence tauromachique et, par ailleurs, on lui en sait gré.

Origami. On se dit donc qu’il va arrêter là. Que dalle. Il reprend la gauche comme n’importe quel forçat du toreo. Cacareo envoie violemment la corne sur les deux premières naturelles puis, miracle, l’insistance de Morante et sa technique prennent le dessus. La réticence de Cacareo fond. Il se rend, il s’est rendu. Il suit maintenant la muleta dans des naturelles longues, templées, apaisées. A la place du soubresaut, du fluide. La tauromachie de Morante enseigne qu’une grâce peut surgir de l’acharnement et que son discours apparemment si peu méthodique a de la méthode. La suite de l’œuvre mêle le grand toreo fondamental avec des figures décoratives jamais mièvres. Elle tresse la robustesse avec le raffiné. Morante torée Cacareo sans jamais le tordre, sans le secouer : une courtoisie efficace. Le tout dans un exercice paradoxal : il donne à la fois à voir du désordre, celui de l’inné, et de l’impératif mais sans la dureté de l’impératif. Il fait voir le brouillon qui prend forme et se déplie miraculeusement comme la figure dite «l’oiseau qui bat des ailes» dans l’origami en mouvement. C’est du Morante : une œuvre extravagante qui donne l’impression de l’impromptu, qui peut dérailler, mais ne déraille pas parce qu’elle est conduite par la passion  de toréer et une curiosité : voir jusqu’où on peut aller tous les trois, moi Morante, lui Cacareo et elle Bilbao. Alors estocade impeccable, sans tricher et Morante, artiste et vertueux, par la grande porte.

Mythologie. El Juli avouera dans les micros de Canal + Espagne que «ça l’avait rendu fou» et Morante que, depuis ses débuts, il rêvait de faire un truc comme ça à Bilbao. La mobilité et le caractère affirmé des toros de Nuñez del Cuvillo ont donné du tonus à cette course captivante. Manzanares s’est d’abord contenté de faire défiler, de loin, Corajido mais sans «fajarse con él», sans s’accoupler vraiment avec lui avant de se battre pour de bon avec une muleta ferme contre le dur à cuire Luminito. Dont il recevra, après une estocade a recibir, 1 oreille qui avait du poids. David Mora a montré son temple et ses belles manières un peu froides avec Asturiano. Puis il a pu étaler son courage avec le violent Currito qui le mettra en difficulté et lui donnera un petit coup de corne dans le scrotum.

Bilbao est sorti de sa plaza sous le choc de la faena de Morante. Elle restera dans l’histoire de la saison 2011, dans sa propre histoire et va alimenter sa mythologie. Un renversant torero du renversement qui sauve la tauromachie de la routine et du monocorde et lui restitue le pouvoir de bouleverser.

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